ArticleAu Bonbon Royal - Interview de Philippe Ploquin

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Au Bonbon Royal, Paris 17ièmeLe Bonbon Royal, une boutique qui date de la fin du 19ème siècle, a d’abord été une épicerie fine distribuant épices, café, thé, ou chocolat, puis une confiserie. Le contexte de la vieille épicerie est bien conservé. Pas de style néo-moderne ultra-design, mais du chocolat et des spécialités régionales pour exaucer les rêves les plus sucrés des gourmands de tous âges. Philippe Ploquin, né à Paris dans le 14ème arrondissement, a repris cette belle adresse en 1992, après avoir été à son compte à Annecy pendant plusieurs années. C'est l'un des chocolatiers incontournables du quartier.

Philippe Ploquin, Artisan Chocolatier Personnage haut en couleurs, vous ne le trouverez pas à la une des magazines culinaires, car il considère que son métier c’est d’être dans sa boutique, de servir ses clients et de veiller en permanence à la qualité de ses produits. Il ne cherche pas non plus les honneurs. Son unique distinction, 3ième meilleur chocolatier de Paris, il l’a reçue en 2003. Il ne veut pas se faire appeler maître chocolatier, car quiconque peut le devenir après cinq années à son compte. Artisan, c'est plus proche de ce qu'il est. Il m’a très gentiment reçu en plein préparatifs de Noël. Le temps de l’interview, de nombreux clients fidèles sont passés. Certains pour prendre leur dose hebdomadaire de cacao, d'autres pour commander des ballotins pour Noël. Leur point commun : choco-accros.

Comment avez-vous appris votre métier ?
A l’époque, dans les années 70, les formations étaient généralistes. On formait des pâtissiers-chocolatiers-confiseurs-glaciers sans spécialité. Le CAP de chocolatier n’a été créé qu’en 1985. Et les chocolateries, c’est assez récent. Les « vieux » chocolatiers comme moi se sont tous formés peu à peu en acquérant de l’expérience chez des pâtissiers, ou grâce aux stages organisés par les grands importateurs de cacao comme les chocolats Barry (ndlr : maintenant Barry Callebaut, suite à la fusion du français Barry et du belge Callebaut). Ils avaient intérêt à former des chocolatiers pour développer leur marché.

Comment s’organisent vos journées ?
Un chocolatier est moins contraint qu’un pâtissier qui doit livrer ses croissants le matin tôt, mais la quantité de travail est telle que l’on commence très tôt. Je prends deux mois de vacances en été, mais je travaille de 5h30 à 20h du lundi au samedi. Par ailleurs, le travail s’étale dans le temps. Pour faire un chocolat, un vrai, un bon, il faut idéalement trois jours : on fait la masse le lundi matin, on la détaille le mardi, et on enrobe le mercredi. On assure ainsi une meilleure conservation du produit. Je n’arrête pas du matin au soir, entre l’encadrement des deux salariés, la boutique, les clients (ndlr : Philippe Ploquin aime passer du temps avec ses clients).

D’où vient votre matière première ?
Je me fournis auprès d’un petit importateur torréfacteur qui fait de petites quantités de très bonne qualité. Il importe des cacaos d’un peu partout qui arrivent sous forme de fèves séchées, les torréfie, les prépare, et il fabrique des pains de 2.5 kg qu’il commercialise. Je choisis les crus qui me plaisent en les goûtant régulièrement pour contrôler la qualité, certaines provenances étant irrégulières. J’aime le São Tomé pour son côté fruité, le Venezuela pour sa puissance, et je travaille aussi avec du Ghana, ou de l’Equateur.

Participez-vous à des événements comme le salon du chocolat ?
Je n’ai pas le temps et ce n’est pas mon métier.

Comment faites-vous pour créer de nouveaux chocolats ?
En lisant, en réfléchissant, par hasard, ou en discutant avec des amis chocolatiers. Il faut aussi savoir s’adapter au goût des clients. A Paris, les clients préfèrent le chocolat noir, les ganaches. A Annecy, je faisais d’autres choses.

De quel chocolat êtes-vous le plus fier ?
La ganache thé. Vous en trouverez partout. Mais jamais une comme celle-là. La qualité du thé très est importante, la quantité aussi, mais j’ai un petit secret de fabrication. Pour la goûter, il faut la laisser fondre lentement dans la bouche. Peu à peu les parfums diffusent. (ndlr : testé et totalement approuvé – un voyage, la réunion de deux continents, un délice).

Ganache au thé - Au Bonbon Royal Pralinés à la badiane - Au Bonbon Royal Pralinés à la cannelle - Au Bonbon Royal

A ce moment là Philippe Ploquin me fait goûter un chocolat que je ne connaissais pas. Une spécialité qu’il ne fait qu’à Noël. Je goûte. Une explosion de parfums fabuleuse en bouche. J’hésite sur l’épice et avant que je ne me trompe, il me révèle que c’est à base de badiane. 20/20 pour le chocolat. 0 pour moi. Je sens enfin la carapace de ce grand modeste se déliter et sa passion pour ce qu’il fait, déborder. Il me révèle que c’est une fois rentré chez lui qu’il préfère déguster ses chocolats. Un chocolat évolue dans le temps, et n’a pas le même goût en fonction de son âge ou du lieu où on le consomme.

Lequel de vos chocolats préférez-vous ?
Le chocolat aux marrons. Et j’aime les chocolats au lait, même si cela ne fait pas chic ici. Un bon chocolat au lait c’est aussi bon qu’un bon chocolat noir. C’est subjectif, mais il n’y a aucune raison objective de préférer le noir.

Chocolats à la crème de marron - Au Bonbon Royal Au Bonbon Royal - Mendiants Au Bonbon Royal - Marrons glacés

Avez-vous une devise ?
Ce qui compte pour un chocolat, ce n’est pas le goût qu’il a, mais le goût qu’il laisse.

Pour terminer Philippe Ploquin m’offre un chocolat à la cannelle, celui que préfère sa femme. Une pure merveille, bien épicée. Une belle vérification de sa devise car quelques jours après je me souviens encore de son goût.

Au Bonbon Royal, Paris 17ièmeAu Bonbon Royal
56 rue Jouffroy d'Abbans
75017 PARIS
France
Tél. : 01 42 27 80 98
ouvert du lundi au samedi de 9h à 19h

Propos recueillis par Thierry Fahmy
Photos Thierry Fahmy